Le Maroc


«Bâtissez de vos rêves une retraite dans le désert avant de bâtir une maison dans l’enceinte de la ville.»

Khalil Gibran


Nous allons être reçus par les Chleuhs (en berbère : ⵉⵛⵍⵃⵉⵢⵏ, Ichelḥiyen). Ils sont un peuple berbère du Sud du Maroc, habitant le Haut Atlas, l'Anti-Atlas et la vallée du Souss, jusqu'à Guelmin, porte du Sahara. Ils parlent le chleuh (tachelhit), l'une des trois principales langues berbères marocaines. En fait, ce sont des Marocains autochtones. Ils sont de confession juive ou musulmane.

Nous allons suivre la vallée de l’Ounila, par endroits très encaissée qui, parait-il, offre des paysages spectaculaires parsemés de villages ocre, de vergers en terrasse, de ksour* troglodytiques et de kasbahs** à l’abandon. 

Nous marcherons dans cette vallée qui, pendant des siècles, fut le lieu de passage obligé des caravanes reliant Marrakech à Ouarzazate et les régions subsahariennes. Nos bagages seront portés par des ânes. Les habitants des petits villages nous accueilleront pour la nuit. 

*Un ksar (ksour au pluriel), est une enceinte défensive dans laquelle serpentent de minces ruelles, parfois couvertes et éclairées le jour par des puits de lumière et autour desquelles s’organisent les habitations, la mosquée et greniers collectifs. 

**Une casbah ou tighremt (en berbère : ⵜⵉⵖⵔⵎⵜ tighremtqasabah, en arabe : ‫قصبة‬ , en, variantes : kasbahqasaba) est une citadelle d'architecture berbère originaire des pays d'Afrique du Nord. 


Mardi, 31 janvier 2017, Sainte-Foy 

Hier soir, j'ai fait une escale à Sainte-Foy avant de partir, samedi prochain, pour un pays musulman. J'ai marché avec Boufeldja et sa famille, des gens que la vie m'a donné la chance de rencontrer il y a quelques années et qui m'ont ému par leur humanité et leur implication dans la communauté. Le hasard ou une petite étoile a protégé Boufeldja dimanche soir. Il n'a pas pu assister à la prière comme il avait toujours l'habitude de le faire. 

Je me souviens quand Nadia, sa femme, me racontait comment sa famille a pu survivre dans les décombres du Liban. Maintenant, c'est ici qu'on doit se dégager des débris de la violence, de la poussière des préjugés, et des ruines de l'intolérance. 

Nadia, tu me disait hier que les cèdres du Liban sont les plus beaux. J'espère qu'un jour tu pourras en dire autant de ceux du Québec.


6 février, Aït Ben Haddou (Maroc)

Le pas berbère soulève peu de poussière. Il se dépose lentement sur la piste rouge le long de l’oued El Maleh. Khalid nous précède, silencieux. Quant à Aziz et Mohammed, ils accompagnent les mules vers Tamdakhte, notre première étape.

La rivière est notre chemin, tantôt à droite et puis à gauche en sautant de roche en roche ou en se mouillant les orteils. Eau, précieuse eau. Ici l'homme a toujours dévié un petit ruisseau de l'Oued pour donner la vie à sa terre.

À Tamdakhte, l'homme qui nous reçoit dans sa maison s'appelle Mohammed, comme notre cuistot. Il nous ouvre sa porte à l'heure d'or. 

Dis-moi Mohammed, qu'est-ce que tu souhaites le plus dans la vie? Quel est ton plus grand rêve?  

"Je souhaite faire plaisir à tous, peu importe d'où ils viennent et peu importe leur religion."

"Merci Mohammed de ton hospitalité."


7 février 

Les premiers rayons du soleil passent au travers les fleurs d'amandier. L'odeur sucrée nous enveloppe.

Notre petit cortège s'étire sur la piste pour donner sa chance au temps, pour que la vie se fasse. Nous venons de quitter le Melah et suivons maintenant l’oued Ounila, franc nord.

Ksour rouges sur les montagnes rouges. Villages tranquilles. Chuchotements. Regards.

L'oued Ounila s'étale sur les cailloux ronds.

L'Ounila se coince entre les falaises.  

L'Ounila cherche son chemin depuis longtemps, se joint aux autres eaux, défie le grand désert et se perd dans l'océan.  

Nous n'atteindrons pas ta source, plus haut dans les montagnes, cette neige qui illumine ce Haut Atlas qui te laisse tes premières gouttes.  

Tizgui N'barda nous accueille pour la nuit. Après avoir partagé le tajine, on s'installe sur le sol d'une grande pièce. Quelques vieux matelas. C'est le bonheur, ronflements garantis! 


8 février 

On charge les mulets. Notre hôte Abdellah vient nous saluer. Je lui demande à lui aussi de faire un voeu... "Je veux être bien, avoir tout ce qu'il faut, avoir de l'argent, être bien vu dans mon village."

"Que ton voeu soit exaucé Abdellah."

"Vends-nous un tapis que ta femme tisse!" 

Ce soir, nous coucherons à Assaka, ancienne communauté troglodytique. 


9 février 

Le chemin sera long pour atteindre notre prochaine étape.

La halte du midi, à l'ombre d'un immense noyer, nous comble encore d'un excellent repas.

Le gazouillis du ruisseau accompagne notre méditation puis nos rêves. Nous repartons un peu gourds et atteignons Tighza. 

Quelques nuages viennent s'immerger dans le rouge profond du soir puis c'est la nuit froide.

Les marmites sont chaudes et l'odeur des épices invite les quatre convives à partager la harira et le tajine aux oeufs. Avec des frites!

Seul mon nez dépasse de mon sac de couchage. Mon univers s'étend de la constellation d'Orion jusqu'au Taureau. Ma petite soeur est installée à ma gauche sur cette terrasse qui surplombe la vallée. Rien d'autre que le silence et le froid sec de la montagne. La pleine lune se lève. Les nuages se précipitent pour ne pas manquer la représentation.  

Tu sais ma p'tite soeur, on n'oubliera jamais. 


10 février 

Avant de partir, notre hôte, Idir, nous livre son souhait. Il revient du pèlerinage. 

"Je veux le calme." 

Khalid, qui me sert d'interprète, me dit que ça signifie qu'il veut l'harmonie, la paix dans sa communauté, sa famille et sa vie.

"Qu'il en soit ainsi Idir."

Nous quittons la vallée de l'Ounila par la route du sel. Du haut des collines, le sultan de Telouet y surveillait déjà les caravanes venant de Tombouctou pour faire des échanges et percevoir son dû. La piste grimpe le col vers l’ouest et nous permet de retrouver l’oued El Melah à Taboughamte. Ce sera notre dernière étape. Ici, la peau berbère est sombre. Elle a aussi profité des échanges. Les enfants habitent le village, courent, crient, jouent, se chamaillent pendant que les parents font leur toilette et revêtent leurs beaux habits pour la prière du vendredi. 

Nous profitons nous aussi du minuscule hammam, chauffé au bois, pour nous débarrasser de la poussière du long chemin qui nous a mené jusqu'ici. L'air froid du soir nous immobilise. Les marmites chaudes sont un autre petit bonheur avant que le silence de la nuit nous chuchote sa symphonie.


11 février 

"Ce que je désire c'est de faire du bien aux autres." me dit Hamed qui nous a reçu dans sa maison.

"Merci Hamed de ton hospitalité. Je te souhaite une longue vie et beaucoup de bonheur."

Avant de quitter les montagnes, le fantôme du Glaoui, dernier sultan de Telouet, nous reçoit dans sa somptueuse kasbah. Derrière les immenses portes et les verrous, les invités pouvaient admirer la céramique, le stuc finement ciselé, le cèdre sculpté, peint, autant de richesses correspondant à son rang et son pouvoir. La rumeur parle de 40 concubines. 

Et toi Khalid, qui nous a accompagné depuis Aït Ben Haddou. Tu nous a montré le chemin, tendu la main dans les passages difficiles. Si un petit génie te proposait d'exaucer un voeu, un seul, que lui demanderais-tu? 

"Je lui demanderais la paix pour tous."

"Merci Khalid , je te souhaite la paix à toi, à ta famille et à ton peuple."

J'espère te revoir.  

Inch’Allah 




Aziz 
Foundouk de Marrakech "Je souhaite la paix pour tous dans tous les pays. Je vous souhaite la baraka.
 »



Saïd 
Mellah de Marrakech (ancien quartier juif) "Je souhaite la paix dans le monde.
 »



Saâd 
Vendeur d'épices, souk de Marrakech "Je souhaite avoir une famille, des enfants et vivre en paix.
 »



Saïd 

Tannerie de Marrakech "Je veux avoir une petite maison pour mes enfants. »



Mohammed 
Riad La Kahana, Marrakech "Je souhaite une longue vie à mes parents.
 »


Clin d’oeil!

Entendu au souk... 

C'est la meilleure qualité monsieur.  

Seulement pour le plaisir des yeux.  

Tu ne trouveras pas la même chose ailleurs.  

Fais plaisir à la gazelle.  

Seulement regarder, pas acheter.  

C'est fait à la main.  

Ce prix là juste pour toi.  

Viens, je vais te montrer.  

Juste regarder, c'est bon pour le bonheur.  

Demain c'est fermé, il faut acheter aujourd'hui.  

Dis-moi ton prix. Quel est ton prix?  

Tu négocies comme un berbère. 

Entendu sur la rue... 

Taxi! 

Bonjour monsieur.  

D'où Viens-tu?  

You are lost? 

Québécois! J'ai un frère qui vit à Montréal!  

Bienvenue au Maroc. 

Où vas-tu? Je vais te conduire. 

L'hospitalité et l'art de vivre s'exprime discrètement, toujours avec un sourire... 

Bienvenue!  

Un thé à la menthe? 

Un grand ou un p'tit chouya? 

Entendu au Hammam...  

Misieur, voulez-vous la finition? 400 dirhams. Faut pas le dire à la patronne.